Repères économiques : Réflexion sur les risques liés au marché du logement en Chine

Septembre 2016 - Transcription

Les craintes d’une bulle immobilière en Chine sont-elles justifiées ?

Eric Lascelles:

Je commencerais par vous dire que le secteur de l’habitation, en Chine, suscite beaucoup d’inquiétudes, et qu’on parle beaucoup de villes fantômes et d’autres enjeux qui surgissent. Nous nous soucions de cette situation, car la Chine est l’économie la plus importante de la planète ; elle génère le tiers de la croissance économique mondiale et, d’après nos calculs, le marché de l’habitation représente près du cinquième de l’économie du pays. C’est donc sans aucun doute un sujet qui mérite un examen plus approfondi, et c’est ce que nous avons fait.

Quelles sont les perspectives à court terme pour le secteur de l’habitation en Chine ?

Eric Lascelles:

Lorsqu’on examine les perspectives à court terme du secteur de l’habitation en Chine, on constate qu’elles sont étonnamment favorables. On peut parvenir à cette conclusion de deux différentes façons. L’une consiste à examiner les ventes de terrains ainsi que le nombre de logements mis en chantier et parachevés ; la chaîne d’activité semble bien correspondre à ce qu’elle devrait être à l’heure actuelle : il n’y a aucun signe de difficulté. Combien la Chine construit-elle d’habitations ? Un peu moins de sept millions par année. Lorsqu’on calcule la quantité de logements dont la Chine a besoin dans le cours normal de ses activités, on constate qu’il lui en faut un peu plus que cela, alors il n’y a pas de signe particulier d’inquiétude, du moins à court terme.

La Chine construit-elle trop de logements ?

Eric Lascelles:

Pour répondre brièvement à cette question, je dirais : « Peut-être. » Et, en plus de mots : « Peut-être pas », juste pour semer un peu de confusion. La raison pour laquelle je dis cela, c’est qu’on ne peut nier que la Chine affiche un taux d’inoccupation des logements très élevé, à l’heure actuelle : 29 % de logements sont vacants. C’est très préoccupant. C’est probablement la plus grande préoccupation que suscite le marché de l’habitation en Chine. Mais il y a une contrepartie à cela : nous savons aussi qu’il y a beaucoup plus de ménages chinois que de logements en Chine. Beaucoup de ménages s’entassent dans les mêmes logements, et plus le pays s’enrichit, plus cette habitude a tendance à se dissiper. Si l’on tient compte de ces deux situations en parallèle, on peut toujours soutenir que la Chine a besoin de davantage de logements au fil du temps, mais qu’il subsiste le risque du taux d’inoccupation, à moyen terme. Nous sommes donc quelque peu préoccupés, mais certains facteurs viennent tempérer la situation.

Qu’en est-il de l’accessibilité à la propriété immobilière en Chine, à l’heure actuelle ?

Eric Lascelles:

L’accessibilité à la propriété immobilière en Chine présente actuellement un portrait mitigé. Les chiffres saisissants que l’on entend et qui sont cités dans le magazine The Economist ont tendance à souligner le fait que, dans les grandes villes, il faut l’équivalent de 15 à 25 années de revenus pour acheter une maison, ce qui est plutôt absurde. Si l’on inclut les propriétés non luxueuses et les plus petites villes, quelle part des dépenses moyennes des ménages chinois est affectée au logement ? En fait, il s’agit d’une part moins importante que ce que les Américains consacrent au logement, et elle décroît. Nous déplorons donc le manque d’accessibilité en Chine, mais la situation n’est pas aussi médiocre qu’elle le semble.

À quel point les risques inhérents au marché de l’habitation en Chine vous inquiètent-ils ?

Eric Lascelles:

Je pense qu’au bout du compte, nous sommes préoccupés par les taux extrêmement élevés d’inoccupation, les signes d’excédents dans diverses zones du marché de l’habitation, mais que nous sommes tout de même un peu moins préoccupés que nous ne l’aurions cru. Nous allons probablement réviser le risque un peu à la baisse, dans notre évaluation. Il existe encore un tas de choses qui peuvent nous préoccuper dans le monde, et bien des éléments dont on puisse s’inquiéter dans le contexte chinois, mais l’habitation n’est pas un secteur aussi problématique que nous ne l’avions cru.